Elu·es : pourquoi se former ?

La question de la formation des ·es locaux renvoie aux principes de fonctionnement de la démocratie représentative. Si notre démocratie suppose que toute personne puisse représenter ses concitoyens dans le respect des conditions d’éligibilité, on oublie bien souvent que c’est une activité très exigeante, qui requiert des compétences spécifiques et des formations adaptées.

Deux dispositions : le droit à la formation des élu·es locaux et le DIF

Il convient de distinguer deux dispositions : le droit à la formation des élu·es locaux « traditionnel » et le droit individuel à la formation (DIF-élu).

Le « droit à une formation adaptée à leurs fonctions« , fixé par le code général des collectivités territoriales (CGCT), est financé directement par le budget de la collectivité et concerne uniquement les formations relatives à l’exercice du mandat.

Le DIF, lui, est géré par la Caisse des dépôts et des consignations, qui est l’institution financière à qui est versé un prélèvement automatique sur les indemnités des élu·es locaux et concerne les formations en lien avec l’exercice du mandat, mais aussi celle pour la reconversion professionnelle des élu·es.

1/ Le droit à la formation des élu-es locaux,  dépense obligatoire des collectivités

  • Tout membre des assemblées municipales, intercommunales, départementales et régionales, et de certaines intercommunalités, en bénéficie, qu’il soit ou non dans la majorité de l’assemblée où il siège. Il appartient à l’élu·e de choisir la formation, adaptée à ses fonctions, qu’il souhaite suivre, ainsi que l’organisme qui la dispense, à condition que cet organisme soit agréé par le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.

Les textes qui s’appliquent sont les suivants:

    • L.2123-12 à L.2123-16 du CGCT pour les communes (et par renvoi pour certaines intercommunalités), ainsi que les articles réglementaires correspondants R.2123-12 à R.2123-14 (dispositions générales) – R.2123-15 à R.2123-18 (dispositions applicables aux élu·es salariés) – R.2123-19 à R.2123-22 (dispositions applicables aux élu·es ayant qualité d’agents publics) – R.1221-12 à R.1221-22 (organismes de formation) ;

    • L.2335-1 et R.2335-1 (dotation petites communes). Pour savoir si votre commune touche cette dotation, consultez le site de la DGCL ;

    • Pour des intercommunalités : l’article L.5214-8 indique que par renvoi les dispositions des articles L. 2123-12 et suivants, le droit à la formation s’applique aux membres du conseil de la communauté de communes. Il en est de même par l’article L.5215-16 pour les communautés urbaines, et l’article L.5216-4 pour les communautés d’agglomération, et les articles L.5217-7 et L. 5215-16 pour les métropoles ;

    • L.3123-10 à L.3123-14, pour les départements ;

    • L.4135-10 à L.4135-14 pour les régions.

  • Les assemblées locales ont l’obligation, dans les 3 mois qui suivent leur renouvellement, de délibérer sur l’exercice du droit à la formation de leurs membres, de déterminer les orientations et les crédits ouverts à ce titre. Un tableau annexé au compte administratif récapitulant les actions de formation des élu·es qui ont été financées par la collectivité, donne lieu à un débat annuel.

Depuis 2016, l’article L2123-14 du CGCT précise que les crédits formation non consommés « sont affectés en totalité au budget de l’exercice suivant. Ils ne peuvent être reportés au-delà de l’année au cours de laquelle intervient le renouvellement de l’assemblée délibérante. » L’affectation sur l’exercice suivant des crédits de formation non consommés et non engagés à la clôture de l’exercice a été précisée par une réponse ministérielle du 10 août 2023 (à la question de M. Jean-Louis MASSON publiée le 04/08/2022) : « le report n’est possible que dans la mesure où en application de l’article L. 1612-6 ou L. 1612-7 du CGCT la section de fonctionnement comporte ou reprend un excédent de fonctionnement au moins égal au montant du report envisagé. Dans l’hypothèse d’une absence d’excédent de fonctionnement ou d’un report dont le montant excéderait cet excédent de fonctionnement, une décision modificative approuvée par l’assemblée délibérante est nécessaire. »

  • Le montant prévisionnel des dépenses de formation ne peut être inférieur à 2% du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux membres du conseil, et le montant réel des dépenses de formation ne peut excéder 20% du même montant. Il comprend les frais d’enseignement, de déplacement et de séjour, ainsi que la compensation (imposable et limitée) de la perte de rémunération de l’élu·e parti·e en formation. S’agissant de la compensation du salaire : « les pertes de revenus subies par l’élu·e du fait de l’exercice de son droit à la formation sont compensées par la collectivité ou l’EPCI, dans la limite de dix-huit jours par élu·e, pour la durée du mandat, et d’une fois et demie la valeur horaire du salaire minimum de croissance par heure. L’élu·e doit adresser à sa collectivité ou à son établissement les justificatifs nécessaires. »
  • Les plus petites communes peuvent recevoir une dotation particulière prélevée sur les recettes de l’Etat et déterminée chaque année en fonction de la population totale de ces communes ainsi que de leur potentiel financier (articles L.2335-1 et R.2335-1). Un·e élu·e peut saisir la Chambre régionale des comptes si la dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget ou l’a été pour une somme insuffisante.
  • Depuis la loi du 31 mars 2015, une formation doit obligatoirement être organisée la première année du mandat pour les élu·es ayant reçu une délégation, dans les communes (articles L. 2123-12 du code général des collectivités territoriales), certains EPCI (articles L.5215-16, L.5216-4, L5217-7), les conseils départementaux et régionaux (respectivement articles L. 3123-10 et L. 4135-10 du CGCT).
  • Le nombre de jours de formation n’est pas limité. Tout titulaire d’un mandat local ayant la qualité de salarié, de fonctionnaire ou contractuel, peut en outre bénéficier, auprès de son employeur, d’un congé formation de 18 jours pour la durée du mandat. Une demande écrite doit être présentée, auprès de l’employeur ou de l’autorité hiérarchique, 30 jours au moins avant le début de la formation. Le refus doit être motivé. A défaut de réponse expresse dans les 15 jours précédant la formation, le congé est considéré comme accordé. En cas de refus, si l’élu·e renouvelle sa demande 4 mois après la première notification, l’employeur est obligé de lui répondre favorablement.

2/ Le droit individuel à la formation (DIF)

En 2017 est entré en application le DIF. Il s’agissait alors d’un droit à 20 heures de formation par année de mandat, cumulables sur toute la durée de celui-ci, quel que soit le nombre de mandats exercés. L’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élu·es locaux a transformé (et restreint drastiquement) cette forme du droit à la formation des élu·es.

Selon la loi 17 juin 2021, ce droit comptabilisé en heures a laissé la place à un nouveau DIF, entré en vigueur le 1er septembre 2021. Depuis cette date, les droits horaires ont été transformés en euros, non cumulables d’une année sur l’autre, selon un système moins avantageux défini dans l’arrêté du 12 juillet 2021.

Sont concernés les élu·es locaux, qu’ils perçoivent ou non des indemnités de fonctions, des collectivités territoriales et les EPCI, mais pas des syndicats n’ayant pas de fiscalité propre.

Le compte des élu·es locaux est désormais alimenté de 400 € chaque année, et les droits se cumulent d’une année sur l’autre jusqu’à l’atteinte du plafond de 800 € (arrêté du 27 mars 2023). Si l’élu·e n’a pas consommé de droit à l’issue de la première année, son compteur arrivera au plafond dès la 2ème alimentation (400 + 400). Il n’y a pas de cumul de mandat : un·e élu·e acquiert des droits une fois par an, qu’il soit élu·e sur 1 mandat ou sur 2 mandats.
L’alimentation des comptes se fait chaque année à la date anniversaire du troisième lundi suivant le premier tour de l’élection, soit le 30 mars pour les élu·es municipaux, et le 5 juillet pour les élu·es départementaux ou régionaux. En cas de cumul de mandat, c’est le mandat le plus ancien qui est pris en compte.

  • Les critères d’éligibilité au DIF-élu·e sont stricts:

> Les demandes de prise en charge du DIF·élu sont soumises au principe « silence vaut rejet » de manière dérogatoire aux règles de droit commun. Les refus peuvent faire l’objet d’un recours gracieux auprès de la CDC puis d’un recours contentieux auprès du Tribunal Administratif.

> Le nombre de participants à la formation est limité à 15.

> Le coût horaire maximal est de 80 euros HT par élu-e et par heure.

> Pour qu’une demande soit validée par la CDC, il faut compter 11 jours minimum entre l’inscription à une formation et la tenue de celle-ci. Compte tenu des démarches préalables à effectuer, il est vivement recommandé de prévoir plutôt un délai d’un mois environ.

> Les formations doivent être en lien avec l’exercice du mandat, dispensées par des organismes agréés par le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Si le formateur intervient au nom d’un organisme tiers (sous-traitance), ce dernier doit aussi être agréé.

  • A l’issue du mandat, le DIF peut être mobilisé pour des formations contribuant à la réinsertion professionnelle, ainsi que pour effectuer un bilan de compétences ou une VAE (validation des acquis de l’expérience).
  • Le DIF est financé, via un fond géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), par une cotisation obligatoire annuelle, prélevée sur le montant brut des indemnités de fonction versées, majorations comprises. Son taux est fixé à 1%. Les collectivités la précomptent mensuellement et la reversent annuellement, au plus tard au 31 décembre de l’année.
  • L’exercice de ce droit relève de la seule initiative de l’élu·e. La CDC instruit les demandes de formation, qui doivent lui être adressées par voie dématérialisée: depuis le 7 janvier 2022, les démarches se font via Mon Compte Elu. Chaque élu·e doit s’y créer un compte pour consulter ses droits et s’inscrire à la formation qu’il souhaiterait voir financer par son DIF.

> Les frais de déplacement et de séjour sont remboursés par la CDC, sur présentation d’un état de frais, dans les conditions prévues pour les agents publics en mission.

> Un élu·e peut effectuer une formation financée par son DIF, dont la dernière session doit se terminer au plus  tard six mois après la fin de son mandat.

  • Depuis le 25 octobre 2022, la Caisse des Dépôts a sécurisé l’accès à Mon Compte Elu, pour lutter contre la fraude au CPF (Mon Compte Formation) : les deux plateformes sont en effet indissociables. Pour connaître ses droits ou s’inscrire à une formation, il faut désormais utiliser France Connect + : cette sécurité supplémentaire oblige à se créer une identité numérique La Poste.

Pour obtenir une identité numérique La Poste, il faut posséder une pièce d’identité française en cours de validité ainsi qu’un smartphone (Android à partir de la version 6 et iOS à partir de la version 13) et un numéro de téléphone mobile éligible.

Si ces conditions sont remplies, la marche à suivre pour se créer une identité numérique La Poste est disponible ici

Si une de ces conditions n’est pas remplie, il faut :

  1. Au préalable avoir créé et activé son Compte personnel de formation en suivant les étapes pour créer son compte
  2. Demander une vérification manuelle de son identité numérique, via l’envoi d’un ensemble de pièces par courrier. Il faut compter au minimum 4 semaines entre l’envoi du courrier et la réception de cette identité numérique, envoyée en recommandé avec accusé réception : la marche à suivre est expliquée ici

En résumé :

L’ élu·e local·e dispose de deux droits à la formation:

> D’une part, le droit à une formation adaptée à sa fonction (on parlerait, pour des salariés, de « formation professionnelle »)

> D’autre part, un droit individuel à la formation (DIF-élu). Sa mise en œuvre relève de l’initiative de chacun des élu·es. Il peut servir à la réinsertion professionnelle en fin de mandat.

Ces deux droits sont distincts, complémentaires et accessibles à tous les élu-es locaux. Le premier est financé par un budget, que l’assemblée délibérante doit obligatoirement voter en début de mandat. Le second relève du droit individuel à la formation, son financement étant constitué de 1% des indemnités de fonction des élu-es locaux, qui sont automatiquement versés à la CDC chargée de la gestion de ce DIF.

L’analyse d’Alain Vantroys, juriste

C’est donc à bon droit qu’un·e élu·e sollicite la prise en charge d’une formation proposée par le Cédis dans le cadre du droit à la formation, parce qu’il s’agit bien de formations adaptées à sa fonction. Il peut aussi faire appel à son DIF-élu pour financer une formation proposée par le Cédis. Le choix du financement reste à son entière discrétion.

Références

Les textes concernant le DIF

  • Le DIF, institué par la loi du 30 mars 2015 et précisé par la loi du 23 mars 2016, est codifié dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) et dans le Code du travail (CT).
    CGCT : Art. L.2123-12-1 (DIF, communes) L.3123-10-1 (DIF, départements), L.4135-10-1 (DIF, régions).
    Art. R. 2123-22-1-A (formations éligibles au titre du DIF), R.2123-22-1-B (nombre d’heures), R.2123-22-1-C (modalités d’inscription) et R. 2123-22-1-D (frais).
    CT : Art. 6323-6 (formations contribuant à la réinsertion professionnelle du membre du conseil municipal et celles sans lien avec l’exercice du mandat).
  • Rapport présenté dans le cadre de l’élaboration de la loi qui a abouti à la création du de l’article L2123-12-1 sur le droit individuel à la formation. Page 91 du rapport, il est très bien expliqué que ce droit est un droit complémentaire et distinct du droit à la formation des élus de l’article L2123-12.

Certaines collectivités ne respectent pas ce droit des élu·es. Voici les cas fréquemment rencontrés et la jurisprudence et les moyens de faire valoir ce droit