Les discussions entamées à l’occasion des Etats généraux de la démocratie territoriale ont finalement abouti le 19 mars dernier à l’adoption de la loi Gourault-Sueur visant à faciliter l’exercice, par les élu·es locaux, de leur mandat. Entre temps, on a beaucoup parlé formation des élu·es et c’est une excellente chose. On regrettera toutefois que les discours sur l’avenir de la démocratie louant la valeur inestimable du travail de nos élu·es locaux ont eu tendance à s’évanouir dans des hémicycles désespérément vides. Paradoxalement, le texte a sûrement pâti de la rare unanimité politique dont il a fait l’objet, peu propice à mobiliser nos représentants.
Par ailleurs, il est dommage que la situation des collaborateurs et collaboratrices d’élu·es n’ait pas été prise en compte à l’occasion de cette nouvelle loi. Leurs besoins de formation sont très similaires à ceux des élus pour lesquels ils travaillent, mais ils ne bénéficient d’aucun dispositif clairement défini.
Les trois nouveautés de la loi pour promouvoir la formation des élu·es
1- La loi crée un nouveau droit consacré à l’employabilité des élus après leur mandat. Son objectif est de faciliter leur retour à la vie professionnelle, revendication importante des associations d’élu·es. Ce nouveau droit sera financé par une cotisation obligatoire d’1% minimum sur les indemnités de chaque élu·e et géré par un organisme collecteur. Les élu·es bénéficieront à ce titre de 20h de formation cumulables sur la durée du mandat.
2- La loi rend obligatoire l’organisation d’une formation dans la première année d’exercice de mandat de tous les élu·es des communes de 3500 habitant·es et plus ayant reçu une délégation.
3- La loi instaure un plancher minimum des dépenses prévisionnelles de formation de 2% du montant total des indemnités de fonction des élu·es. Le plafond était déjà fixé à 20%.
En attendant le décret
Commençons par saluer le fait que cette loi a permis de mettre le sujet au centre des discussions. C’est une publicité bienvenue sachant qu’en réalité seule une infime partie des 530 000 élu·es locaux se forment. Espérons que l’instauration du plancher minimum de dépenses pour la formation de 2% permettra d’encourager les élu·es à faire valoir leur droit et de limiter les phénomènes d’entrave ou d’auto-censure ( sachant que 2% votés ne signifie pas forcément 2% dépensés).
La création d’un droit de formation consacré aux compétences non directement liées au mandat instaure une forme de solidarité entre les élu·es qui verseront à un organisme collecteur et clarifie le flou qui perdurait sur certaines demandes comme les cours de langue, les bilans de compétences ou Validation des acquis de l’expérience. Enfin, l’idée d’une formation obligatoire pour les élu·es ayant reçu une délégation prouve pour ceux qui en doutaient encore que les besoins sont importants.
A propos du nouveau droit créé par la loi :
Il y a peu, le Parlement s’efforçait de simplifier la formation professionnelle avec la création du Compte Personnel de Formation (objectif plus ou moins atteint). A l’inverse, les élu·es, qui ont souvent un emploi, se retrouvent avec un système de plus en plus complexe qui intègre les dispositifs de la formation des élu·es et de la formation professionnelle. Bon courage pour s’y retrouver !
Au delà de la confusion, il est surtout à craindre que le droit actuel et le nouveau droit se concurrencent. En effet, les maires qui valident les formations en dernier ressort, peuvent être tentés de faire passer un maximum de demandes sur ce nouveau droit financé sur les indemnités des élu·es et non sur le budget de la collectivité (la période de disette s’y prêterait). Dans tous les cas, le taux de cotisation de 1% minimum ne permettra pas d’accéder à beaucoup de formations, sauf abondement du futur organisme collecteur.
A propos de l’obligation de formation :
Il est incontestable qu’avoir une délégation requiert un certain nombre de compétences spécifiques. Mais dans ce cas pourquoi l’obligation ne s’applique-t-elle qu’aux seules communes et non aux interco, départements et régions ? En un sens, cela revient aussi à affirmer que les élu·es des organes délibérant n’ont pas un rôle qui justifie le même dispositif. Rappelons que les adjointFes ont plus souvent des équipes pour les aider (services, collaborateurs) à l’inverse des autres élu·es. La question se pose aussi de savoir si le niveau de compétences initial sera pris en compte. ce serait dommage d’organiser des formations pour des gens qui n’ont rien à y faire (dans le cadre d’un second mandat par exemple).
Au fait, à quoi sert la formation des élu·es ?
Est-ce que former les élu·es locaux permet d’avoir une démocratie de meilleure qualité ? Comme pour la formation professionnelle, la formation des élu·es a un coût et doit souvent justifier son existence. Dans l’esprit de la loi, c’est LE dispositif qui doit permettre de pallier les inégalités liées à la formation initiale et ainsi favoriser les vocations. Est-ce suffisant pour lutter contre le sentiment d’incompétence qui éloigne une partie de la population des fonctions électives ? Lourde responsabilité. Pour y parvenir, il serait judicieux de commencer par clarifier ces fameuses compétences requises pour exercer un mandat local, comme on le ferait pour n’importe quel emploi.
En effet, si les parlementaires ont beaucoup insisté sur le fait qu’être élu·e ne doit pas être considéré comme un métier, ils ont aussi rappelé qu’il s’agissait d’une activité hautement spécialisée et diversifiée. Métier ou pas, on gagnerait à s’inspirer de la formation professionnelle en partant des besoins réels des élus plutôt que d’une distinction artificielle entre compétences techniques, compétences politiques et compétences professionnelles. Ce sera peut-être la prochaine tâche du Conseil National de la Formation des Elu·es Locaux (CNFEL).
Grégoire Aussavy, responsable de formation du Cédis de 2012 à 2016
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